Sociéte des sciences naturelles et historiques de la corse
Sixième tribune des Chercheurs
Dynamique des Territoires et Développement Durable
Université de Corse
Vendredi 6 juin 2014
Salle des délibérations du conseil général de haute-Corse
Responsable scientifique : M.-A. Maupertuis (Professeure en Sciences économiques)
Les questions de dynamique territoriale et de développement durable font l’objet d’une réflexion importante depuis plusieurs années. A l’Université de Corse Pasquale Paoli, les travaux se sont orientés sur les interactions hommes-milieux et les conditions de soutenabilité du développement au sein des espaces insulaires, en particulier méditerranéens.
En particulier, il est apparu comme essentiel d’intégrer le développement durable aux politiques territoriales. Ces politiques territoriales de développement durable reposent sur le constat suivant lequel de profondes recompositions affectent la géographie des activités humaines et économiques, dans un contexte historique marqué par deux tendances fortes.
En premier lieu, l’existence d’un processus d’intégration économique des régions aux niveaux européen et mondial basé sur la baisse continue des coûts de transfert (transports, TIC, etc.) qui induit des phénomènes d’agglomération et de spécialisation entre et au sein des territoires. En second lieu, la pression de plus en plus forte exercée par les activités économiques sur l’environnement, qui invite à définir des mesures politiques pour un développement durable des territoires concernés.
Les travaux de l’équipe « Dynamique des Territoires et Développement Durable » visent précisément à analyser, à différentes échelles spatiales, les stratégies des acteurs publics et privés permettant de répondre aux enjeux de soutenabilité précédemment évoqués.
MATIN
Modérateur : Marie-Antoinette Maupertuis
09h30 : Accueil
10h00 : Allocutions d’ouverture par le président du conseil général de la Haute-Corse, par le président de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse et par le président de l’université de Corse.
10h15 : Caroline Tafani – Evaluation de la vulnérabilité de l’agriculture face à la pression foncière : un outil au service d’un développement territorial durable
Que l’on se situe dans un espace périurbain en pleine expansion ou sur une frange côtière touristique particulièrement attractive, le marché foncier est extrêmement tendu. Il a été montré, à maintes reprises et en divers lieux, que dans ces contextes, les espaces agricoles servent généralement de réserve foncière pour l’urbanisation. L’agriculture recule, parfois disparaît, au mieux se réarrange dans les espaces interstitiels, trouvant parfois aussi dans la demande urbano-touristique de nouveaux débouchés. Dans tous les cas, sa place évolue largement et pose question, aux agriculteurs en premier lieu, mais aussi à la société, et donc aux gestionnaires des territoires. Le foncier agricole pouvant être à la fois ressource alimentaire, patrimoine à transmettre ou réserve d’espace, les enjeux autour de sa gestion sont cruciaux : par principe de précaution, faut-il geler tout le patrimoine pour les générations futures ? Faut-il sacrifier certains lieux pour mieux en préserver d’autres ? Lesquels ? Comment hiérarchiser les zones d’intervention prioritaires ?
Cette communication ambitionne précisément d’apporter des éléments de réponses à ces questionnements en présentant un outil d’évaluation de la vulnérabilité de l’agriculture -des agricultures- face à la pression foncière.
10h40 : Mathilde Woillez – A la croisée des chemins : comparaison des trajectoires touristiques et des dynamiques organisationnelles de deux territoires insulaires méditerranéens, en Corse et en Crète.
Avec le développement d’un tourisme pas toujours maîtrisé par les populations locales, les territoires insulaires de Méditerranée sont soumis à d’importantes pressions, qu’elles soient foncières et immobilières, environnementales, économiques ou encore socioculturelles avec notamment la recomposition des sociétés locales liée aux migrations. Notre projet de thèse propose d’étudier les conditions d’émergence d’une gouvernance partagée du tourisme dans deux territoires insulaires méditerranéens, l’un en Corse -la Castagniccia Mare è Monti- et l’autre en Crète -le dème de Sitia-, dans la perspective d’une meilleure maîtrise par les sociétés locales d’un développement touristique qui soit soutenable pour le territoire.
Cette communication s’attachera plus particulièrement à retracer et à croiser les trajectoires touristiques et les dynamiques organisationnelles des deux territoires d’étude, en les replaçant dans leur contexte insulaire régional. Notre objectif est d’identifier des « sujets pertinents », mobilisateurs, comme point de départ pour la construction d’une gouvernance partagée.
10h40 – 11h00 : Questions
11h00 : Julien Ciucci – Impact des politiques environnementales sur la dynamique économique des territoires
La libéralisation des échanges entre des pays pratiquant des politiques environnementales différentes peut mener à se poser différentes questions. Dans quelle mesure les politiques environnementales affectent-elles la compétitivité des firmes ? Est-ce-que les firmes industrielles polluantes se délocalisent vers les pays pratiquant des politiques environnementales moins strictes ? Ces pays se spécialisent-ils systématiquement dans les activités industrielles polluantes ? Plus généralement, ces questions reviennent à s’interroger sur la vérification de ce que la littérature économique appelle la pollution haven hypothesis. Dans cette contribution, nous présentons les réponses que l’analyse économique a tentées d’apporter à ces questions, au travers de nombreuses études empiriques et théoriques. En outre, nous verrons que la vérification de la pollution haven hypothesis est loin de faire l’objet d’un consensus au sein de la littérature
11h15: Corinne Idda – Prise en compte de l’espace et des comportements stratégiques dans un modèle bioéconomique d’exploitation des langoustes en Corse
Les modèles d’exploitation des ressources halieutiques sont principalement basés sur le modèle fondateur de Schaefer (1957) dans lequel la dynamique de la biomasse est caractérisée par un taux de croissance intrinsèque et par la présence d’une capacité de charge de l’environnement. Pendant longtemps les économistes se sont limités à une vision simplifiée des processus biologiques. Les nouveaux paradigmes en biologie considèrent que la population de poissons est distribuée de manière hétérogène dans l’espace. A partir de ces nouveaux développements en biologie, les économistes ont peu à peu intégré la dimension spatiale dans les activités bioéconomiques. Lorsque l’on considère que l’espace est hétérogène, les activités économiques telles que la pêche ne peuvent plus être considérées comme réparties au hasard dans l’espace : cette répartition devient alors le résultat d’un calcul économique d’optimisation de la rente des différents agents. En effet, ceux-ci choisissent leur zone de pêche en fonction des coûts d’opportunité caractérisant les diverses zones possibles, ces derniers étant fonction de la densité de biomasse présente dans chaque zone. Il est alors déterminant, afin de connaître les densités de biomasse dans les différentes zones d’un espace de pêche, d’intégrer les mouvements des espèces étudiées. En effet, non seulement la ressource croit à des taux différents dans les différentes localisations mais, par instinct de survie ou pour des raisons liées à la reproduction, les individus des diverses espèces se déplacent. Ces migrations peuvent influencer les comportements des agents économiques en modifiant leur choix de zone de pêche. Pour cet ensemble de raisons, il est nécessaire d’utiliser un modèle prenant en compte les caractéristiques spatiales de la ressource et de l’industrie de la pêche. C’est dans cette perspective que nous entendons développer un modèle dans lequel l’espace est hétérogène et les zones sont interconnectées par le biais de phénomènes de dispersion des ressources halieutiques.
11h15-11h35 : Questions
APRÈS-MIDI
Modérateur : Sauveur Giannoni
14h15 : Pierre Antoine Tomasi – L’objectif de convergence territoriale à travers le PADDUC : perspectives de développement du pouvoir normatif régional
En septembre 2013, l’Assemblée de Corse adoptait par 46 voix sur 51 le rapport issu des travaux de la commission des compétences législatives – plus communément appelée commission « Chaubon » – relatifs à l’évolution institutionnelle de la Corse. En matière d’organisation territoriale, les conclusions de la commission actent de nouveau le principe de territorialisation des politiques publiques qui semble, depuis plusieurs années, faire l’objet d’un consensus politique. La mise en place de « territoires de projets » ayant pour finalité de s’inscrire dans le cadre d’une « stratégie de développement structurante ». Pour ce faire, la commission recommande de fixer un « objectif de convergence et d’harmonisation entre les territoires » dont le futur Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) devrait constituer la matrice.
Si l’on peut convenir que la construction d’infrastructures ou la mise en place d’incitations financières au développement à travers un système de subventions peuvent participer d’une politique de rééquilibrage territorial, il nous paraît digne d’intérêt que d’évaluer les possibilités d’atteindre l’objectif de convergence territoriale à travers le pouvoir normatif régional. Autrement dit, par la fixation de prescriptions opposables aux tiers comme aux collectivités de rang inférieur.
Quoique le droit des collectivités territoriales en France soit commandé par les principes d’égalité et de non-tutelle entre celles-ci, le droit de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire a posé les bases d’une possible hiérarchisation entre normes locales autour du principe de « compatibilité ». Par ailleurs, l’actuel projet de loi de décentralisation envisage de renforcer le caractère prescriptif de différents schémas en matière de développement économique et de transports.
A la lumière de ces évolutions, il s’agira d’envisager à travers cette communication les perspectives de réduction des inégalités territoriales via le Padduc, dont le plan d’aménagement et de développement durable (Padd) a été adopté à une large majorité au mois de février dernier.
14h30 : Claire Graziani Taugeron – Dynamiques associatives et institutionnalisation de la question environnementale : étude comparative Corse – Iles de la Madeleine (Québec)
L’objet de ce travail de thèse est d’établir comment et à quel niveau les revendications environnementales portées par des associations de défense de l’environnement peuvent s’inscrire dans l’agenda des politiques publiques.
Le projet, mené à une échelle insulaire, nous pousse à nous interroger sur les conditions de l’implication dans la démarche de défense de l’environnement. N’y a t-il pas, en Corse, comme au Québec, un sentiment d’insularité et d’altérité qui pousse les acteurs à prendre part aux débats et aux mobilisations environnementales ? On peut émettre l’hypothèse que le désir de préservation des territoires n’est pas entièrement lié à une conscience écologique accrue mais s’inscrit aussi dans une démarche liée au sentiment d’appartenance au lieu, propre aux insulaires.
Lors de cette présentation, nous exposerons les objectifs de cette recherche et l’intérêt d’une méthodologie appuyée sur l’Ecologie humaine, dans le sens où l’individu est influencé par son (ses) environnement(s) (environnement naturel, interpersonnel, social et culturel), pour tenter de comprendre pourquoi et à l’appui de quels moyens la population se mobilise pour son environnement, ou plutôt contre des projets estimés néfastes pour l’environnement.
14h45-15h30 : Questions et clôture des travaux
Les actes du colloque seront publiés dans le Bulletin de la Société des sciences:
«Corse d’hier et de demain» nouvelle édition